Greenpeace a provoqué un tollé cette semaine avec la parution d’un rapport intitulé Destruction en chaîne qui pointe du doigt des multinationales de la forêt (Abitibi-Consolidated, Bowater Kruger et SFK Pâte) et leurs clients pour mauvaise gestion des terres publiques. Steven Guilbeault, qui en est à ses dernières semaines comme président de Greenpeace Québec (il quitte le 10 septembre), persiste et signe avec ce dernier coup d’éclat. Si vous vous demandez quel impact peut avoir un organisme comme Greenpeace, faites le décompte du nombre d’organisations le rapport. Ce dernier est un appel au boycott pour les principales entreprises qui font affaires avec les forestières délinquantes citées plus haut. Voici quelques-unes de ces entreprises : Best Buy, Wal-Mart, Sears, Rona l’entrepôt, Hachette, Time Warner inc., Toys “R” Us, Inc., Harlequin etc.
Voici une liste non exhaustive de ces réactions négatives qui dénoncent cet appel au boycott :
- Guy Chevrette, président-directeur général du Conseil de l'industrie forestière. En tant que représentant des compagnies décriées, il se devait de réagir pour défendre ces multinationales et les travailleurs de la forêt. Il est vrai qu’un tel rapport peut nuire à un certain nombre d’emplois à court terme. Par contre, à plus long terme, cela ne pourrait être que bénéfique pour les emplois en forêt. On peut se demander si Monsieur Chevrette a lu le rapport au complet puisque Greenpeace suggère des moyens pour mieux exploiter la forêt de façon durable avec des exemples concrets et réalisables à moyen terme. Pourquoi jeter tout d’un bloc l’ouvrage ? Parce que l’organisme a pointé du doigt les compagnies délinquantes qui ne font pas de développement durable mais pillent la forêt sans trop se casser la tête pour l’avenir. Si vous avez déjà circulé sur les chemins forestiers de ces multinationales vous comprendrez qu’on ne peut parler dans un tel cas de développement durable et de méthode de récolte du bois respectueuse de l’environnement. Allez dans le parc des Laurentides à environ 10 km de la route 175. Vous trouverez des centaines de kilomètres carrés rasés à blanc et non planté de quelque arbre que ce soit. En ce sens, le rapport, avec ses photos, est le reflet exact de la réalité. Alors le fait de déchirer sa chemise en public ne m’impressionne guère. Soit dit en passant, tout cela se retrouve dans la réserve faunique des Laurentides.
- Bernard Généreux de la Fédération des municipalités du Québec (FQM) et maire de Saint-Prime estime que ce rapport est inapproprié car non constructif pour grand nombre de petites municipalités (qu’il représente) qui vivent la crise forestière. Un appel au boycottage des clients des grandes forestières va mener à d’autres pertes d’emplois. Il y a déjà eu des milliers d’emplois de perdus. Ce n’est pas à cause de Greenpeace, mais à cause de la mauvaise gestion des grandes forestières. Le rapport ne fera pas perdre des milliers d’emplois. C’est donner beaucoup de pouvoir à Greenpeace. L’organisme en a mais pas au point d’empêcher la majorité des gens à aller acheter leur bois chez Rona (client des forestières). Les Québécois en général se foutent éperdument de leur environnement et de l’économie d’énergie. Alors du calme. Il faut bien que Greenpeace se fasse entendre. Normal de lancer un cri d’alarme et cet appel au boycott pour en faire réagir quelques concitoyens. La preuve qu’ils ne sont pas dans le tort, c’est qu’aucune poursuite à propos de ce rapport n’a été faite.
- Les grande forestières ont fait visiter à leurs clients leurs parcelles de sylvicultures modèles. Je ne dis pas que ces belles démonstrations sont fausses, cependant, elles ne sont pas appliquées à l’ensemble des terres exploitées. La plantation se fait en monoculture (épinette bien souvent), ce qui n’a rien de naturel, et sur de petites parcelles. Ailleurs ont ne fait rien. Bien sûr, ça repousse, mais avant d’avoir une forêt vivante et saine sur une parcelle de coupe à blanc, ça va prendre au moins cent ans et elle ne sera peut-être pas de la même qualité.
Appui au boycott :
- Richard Desjardins, cinéaste de L’Erreur boréale en 1999. Ce dernier a affirmé à Radi-Canada cette semaine que « Le boycott des produits forestiers de la coupe sauvage est commencé depuis quelques années aux États-Unis, en Californie entre autres. Donc, que ça soit rendu jusqu'ici, il n'y a rien de surprenant. » Toujours selon le chanteur, si les recommandations du rapport Coulombe, paru il y a trois ans, étaient appliquées, cela pourrait constituer une solution à court terme. Le rapport est toutefois tabletté. Les coupes ont augmentées depuis plutôt que de diminuer de 20%. Desjardins refuse donc le point de vue des entreprises, syndicats et quelques partis politiques qui estiment que l’appel de Greenpeace va nuire à l’économie des régions. Il a bien raison. On coupe plus que jamais avec de moins en moins de travailleurs. Cherchez la logique. Quant tout sera rasé, que feront ces milliers de travailleurs restants ? Là vous aurez une vraie crise et ce n’est pas les grandes forestières qui vont vous aider pauvres bûcherons.
Tout est dit, à chacun de se faire son idée. Mais, pour moi, c’est Greenpeace qui a raison. Allez visiter la forêt, les terres publiques du Québec, vos terres, celles qui appartiennent à tous les Québécois. C’est un véritable désert avec quelques parcelles replantées. Ce qui a été coupé il y a cinquante ans est sur le point d’être recoupé à nouveau et les vieilles forêts intactes, ça, il n’y en a plus beaucoup. Ces coupes à blanc massives sont légales. Il y en a beaucoup qui ne le sont pas. Vous croyez qu’il y a beaucoup de fonctionnaires pour surveiller les agissements des forestières sur le terrain ? Je doute qu’il y ait assez de ressources. Les terres privées sont elles aussi fréquemment rasées, volées, alors imaginez les terres publiques.
Le rapport Destruction en chaîne est essentiel parce qu’il explique l’importance de préserver des parcelles de forêt anciennes au niveau national et mondial à l’ère des changements climatiques. Il propose également de mieux exploiter la forêt. Ne pas faire de coupes à blanc mais morcelées pour permettre une régénération naturelle et efficace.
Personne, même les adversaires, ne conteste le fond du rapport. Beaucoup contestent l’appel au boycott. Pourtant, si on veut être conséquent dans la vie, on ne peut être d’accord sur le fond et encourager l’inverse. Il faut bien se brancher dans la vie et assumer. Pour ma part, mon choix est fait, je vais boycotter les entreprises qui encouragent les forestières délinquantes. En fait, à lire la liste des entreprises ciblées, je les boycottais déjà depuis quelques années. Quant aux emplois qui seraient perdus par ce boycott, sachez qu’ils seront perdus de toute façon lorsqu’il n’y aura plus d’arbre à couper. Et ça ne devrait pas tarder.
Lien : http://www.greenpeace.org/canada/fr/actualites/destruction-en-chaine
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