Depuis deux jours on ne parle plus que du règlement adopté par les conseillers municipaux de Hérouville, en Mauricie, dans les médias du Québec. Les réactions sont très nombreuses. À Hérouxville même elles sont d'abord plutôt favorables. Elles sont plutôt défavorables dans les villes. On peut noter ici une grande différence entre la ville et les régions sur ce sujet sensible que sont les accommodements raisonnables. N'allez surtout pas croire que les gens de la ville sont ouverts et ceux des régions fermés à l'immigration. Trop facile. Toute cette histoire dénote un malaise provoqué par le manque de leadership au niveau provincial. Retour sur les événements.
La municipalité rurale de 1300 âmes a voté pour des «normes de vie» par le biais de son conseil municipal après un sondage des élus auprès de leurs électeurs. Le but de l'exercice était d'abord et avant tout de prendre parti dans le débat sur les accommodements raisonnables. Hérouxville a fixé ses limites et elles s'adressent à toute personne qui veut venir s'installer sur son territoire. Voici quelques perles de ce texte :
Des juristes ont affirmé au journal La Presse que cette «charte» n'a aucune valeur légale. Ce n'est guère étonnant. Mais cela dénote le manque de leadership en la matière par nos élites politiques québécoises. Elle dénote aussi non pas du racisme mais une peur de l'étranger, de ce qui est différent. Je ne pense pas que les gens de Hérouxville soient racistes. Ils sont seulement choqués par certains accommodements déraisonnables et se sont exprimés via leurs élus. Maladroitement peut-être, mais ce n'est pas une raison pour dénigrer la démarche.
D'après le conseiller municipal André Drouin, l'instigateur du projet, le site de la municipalité reçoit 300 courriels à l'heure de partout dans le monde est la plupart sont favorables. C'est normal, personne n'est contre l'inégalité des sexes et la lapidation. À moins que des Talibans ne vous écrivent, vous ne devriez pas trop en avoir. Pour Monsieur Drouin, l'explication de ces courriels d'appui est simple : «On a demandé au peuple ce qu'il pensait, c'est cela le secret. Je trouve qu'on dialogue trop. Moi les droits, j'ai de la misère avec ça. Je préfère parler de devoirs et d'obligations. Chaque fois que vous donnez des droits à quelqu'un, vous ajoutez une brique aux murs qui l'emprisonnent.» a-t-il commenté à La Presse. Le journaliste du quotidien montréalais a rappelé à André Drouin que les désirs du «peuple» ne reflètent pas toujours la voix des minorités, l'élu s'est arrêté quelques instants avant d'affirmer : «Moi je ne vois pas de minorités, dit-il. Si tout le monde s'intègre aux autres, il n'y aura pas de minorités.» Puis, il affirme au même journaliste qu'il a été approché par un parti politique : «Je ne vous en dis pas plus, dit-il. Tout ce que je peux ajouter c'est que j'ai répondu à celui qui m'a téléphoné que le jour où ils mettront leurs culottes, je m'intéresserai à eux.» Voilà le nœud du problème. Personne n'ose établir les limites de ce que doivent être les accommodements raisonnables au Québec tout en tenant compte de la charte des droits et libertés. Avec des limites précises, certains accommodements, comme le port du kirpan, ne seraient pas. Sans limites, tout le monde se mêle du débat et trace ses propres limites : cadre, directeur d'institution, conseil municipal, professeur, commission scolaire, direction d'entreprise etc. C'est n'importe quoi et cela fait de nous la risée du monde entier. Beaucoup d'immigrants musulmans sont venus au Canada pour fuir l'intégrisme dans leur pays et ils se retrouvent à côtoyer des islamistes radicaux et leur femme cachée sous une burqa (j'en ai vu à Toronto, c'est pas l'Iran ça). Je peux vous dire qu'ils ne sautent pas de joie à la vue de ces esclaves et de leurs tortionnaires qui déambulent en toute liberté. Le foulard est un symbole religieux moins extrême mais il en est un quand même. D'où l'importance de tracer une limite aux accommodements. Sans ces limites, des burqas, comme il y en a déjà à Toronto, il va y en avoir à Montréal ou à Québec. Monsieur Drouin espère que la charte de Hérouxville va jouir d'une reconnaissance soit sur le plan juridique ou constitutionnel. Il est certain qu'il n'aura aucune valeur et sera décrié par tous les partis politiques, sauf peut-être l'ADQ qui réclame une charte à propos des accommodements. Le conseiller affirme que le monde entier va le savoir si le texte de la municipalité n'a pas de valeur. Et il fait bien. Il a le droit de faire entendre le point de vue de la municipalité, le point de vue de ses citoyens.
Si plusieurs municipalités du Québec faisaient la même chose, peut-être que les plus hautes instances se pencheraient sur le dossier. Les Québécois, qu'ils soient de souche ou issue de l'immigration récente, attendent un leadership clair sur cette question. C'est important car nous comptons beaucoup sur l'immigration pour que le Québec puisse continuer à croître et prospérer. Il importe donc de tracer les limites de la société d'accueil que nous sommes. Si nous ne voulons pas de femmes voilées de burqas mais que les foulards islamiques sont tolérés, il faut le signifier. Et ça, désolé, mais ce n'est pas du racisme. Si vous êtes une femme et que vous allez en Arabie Saoudite, vous devrez vous voiler de la tête aux pieds. C'est comme ça. Pas de discussion. Ce genre de contrat social vaut dans les deux sens. Ici, nous pourrions dire : pas de burqa. On pourrait aussi dire : oui au burqa et toute autre habillement traditionnel ou religieux sur la place publique. Mais il faut décider collectivement jusque où nous voulons accommoder les citoyens du Québec d'aujourd'hui. Jusque où nous voulons aller dans l'expression de nos religions et coutumes. Si nous ne le faisons pas, il n'y a plus de limites et cela risque de créer toutes sortes d'injustices et conflits.
Je trouve triste que beaucoup de citadins se permettent de rire de la démarche de Hérouxville. Même si elle est maladroite, elle vient du cœur et en ce sens elle mérite au moins d'être entendue et débattue dans le respect. Beaucoup de commentaires que je ne citerai pas les font passer pour une bande de «ploucs». Ce n'est pas vrai, ce sont des citoyens du Québec moderne. «On a l'impression que c'est un message d'intolérance, dit Jocelyne Gervais, la copropriétaire de l'épicerie du village. En fait, c'est le contraire. Ça respecte tous les individus. Moi je trouve cela génial», a-t-elle dit au journaliste de La Presse.
Et elle a raison. C'est génial. À défaut d'avoir un gouvernement provincial responsable, ce sont les citoyens qui prennent le leadership et qui lancent le débat. Vous pouvez critiquer le fond, et je ne me suis pas gêné pour le faire, mais sur la forme, c'est vraiment chouette d'affirmer ceci : voilà qui nous sommes et ce que nous voulons être dans l'avenir. Si ces objectifs vous parlent, joignez-vous à nous, sinon installez-vous ailleurs. Personne n'est obligé de s'installer à Hérouxville ou au Québec. Tout peuple n'aspire-t-il pas à projet rassembleur basé sur des valeurs communes ? Bravo aux gens de Hérouxville.
Charte d'Herouxville
Roger Mougeot
Mardi 30 Janvier 2007 6:21:39 pm