Parfois, l'émission Tout le monde en parle se transforme en dîner de cons. La nourriture est ici remplacée par le vin. Le principe est simple : parmi une liste d'invités, on invite un con, ou ce que l'on croit être un con, histoire de rire un bon coup à ses dépens. C'est ce qui est arrivé avec Guy Fournier durant l'automne 2006 et c'est ce qui est arrivé hier, le 4 février 2007, au conseiller municipal d'Hérouxville qui a raté une belle occasion de demeurer chez lui car en plus de passer pour le con de la soirée, il a fait passer Hérouxville pour un village d'arriérés. Cette municipalité est pourtant un village qui ressemble à la majorité des villages du Québec (voir : Hérouxville une municipalité ouverte à certaines conditions).
L'affaire Hérouxville est le constat d'un malaise envers les accommodements raisonnables tels que couvert par les médias. Il va sans dire que le conseiller municipal ne connaît l'immigrant que par cette lorgnette. Cela explique sa méconnaissance du phénomène interculturel tel que vécu à Montréal et dans une moindre mesure Québec. Que lui et sa population soient inquiets sur la question, c'est tout à fait compréhensible. En effet, l'angle d'approche des médias nous montre toujours les leaders religieux les plus caractéristiques et folkloriques des communautés culturelles. Mais ils ne sont en rien le reflet de la majorité silencieuse. C'est comme si un gros curé catholique représentait la majorité des Québécois à la télé libanaise. Ce n'est pas nous. Ceci étant dit, le débat sur les accommodements raisonnables doit se faire et se fera un jour ou l'autre. Mais il se fera dans le calme avec la majorité silencieuse qu'elle soit de souche ou d'immigration récente. Pour le moment, c'est à qui fera la couverture médiatique la plus hystérique possible.
André Drouin n'est pas un grand politicien, il n'est pas habitué à la caméra et encore moins à la controverse. Il représente les gens d'Hérouxville et a tenté maladroitement, par une charte, d'exprimer les craintes de ses concitoyens. L'histoire en soit méritait un paragraphe dans la section «insolite» des journaux. Mais les médias, et La Vie Rurale en fait partie, ont sauté sur l'histoire. Les citoyens du petit village et leurs élus ne savent plus comment réagir. Leur singulier conseiller est même prêt à réclamer l'état d'urgence devant deux millions de téléspectateurs pour nous préserver des flots d'immigrants hostiles (!). Le principe du dîner de cons, vous dis-je.
Il faut dire que le conseiller municipal André Drouin est un drôle de numéro. Sa façon de parler pouvait laisser croire qu'il avait fait un arrêt à la taverne du coin histoire de se donner du courage pour l'enregistrement de l'émission. Son débit singulier et ses idées embrouillées n'arrangeaient pas les choses. L'animateur Guy A. Lepage et son coéquipier Dany Turcottte se sont bien amusés de lui tout comme ils se sont amusés de Guy Fournier à l'automne 2006. Ce genre d'invité se cale lui-même. Une fois à terre dans la boue, on le badigeonne d'une autre couche. Trop facile. On n'écrase pas quelqu'un qui est déjà à terre. Le principe du dîner de cons, vous dis-je. Méchant, cruel et inutile.
Souvenez-vous de la morale du dîner de cons, le merveilleux film de Francis Veber dans lequel le con, un dénommé François Pignon, n'est pas aussi con que l'on croit (voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_D%C3%AEner_de_cons). Dans ce film, le con est con, mais ceux qui se croient intelligents sont plus cons encore.
François Pignon, dans le film de 1998, était brillamment interprété par le regretté Jacques Villeret. Le personnage manipulateur, Pierre Brochant, suavement interprété par Thierry Lhermitte me fait penser à Guy A. Lepage dans son rôle d'animateur. Sauf qu'ici on n'est pas dans la fiction mais dans la réalité. Malgré le montage, le scénario est moche et ne fait pas rire.
André Drouin était le candidat idéal pour une émission basée sur le principe du dîner de cons : il ne connaît pas la ville, s'exprime mal, il a les idées embrouillées et, c'est encore plus drôle, un accent de fond de rang à couper au couteau. Tout était en place pour une lapidation médiatique (désolé pour la comparaison facile avec la charte d'Hérouxville). Moi, je n'ai pas trouvé ça drôle.
Je n'irai pas pleurer sur le sort d'André Drouin ni des gens d'Hérouxville pour autant même si je trouve le retour du balancier injuste à leur égard. Je ne me sens pas proche de leur charte et je ne me sens en rien menacé par l'immigration. Sur le fond, ça ne m'intéresse pas. Sur la forme toutefois, il serait souhaitable, me semble-t-il, que le Québec trace les limites de l'accommodement raisonnable.
André Drouin a très maladroitement tenté de palier à ce manque en flirtant avec la démagogie depuis le début de l'affaire. Il en a payé le prix fort sur l'hôtel de la fausse vertu à l'émission Tout le monde en parle. Il a passé pour le con de la soirée et sa crédibilité en est à jamais ternie. Mais les véritables cons sont peut-être ceux qui l'ont mis en boîte. Moi qui sui fan de la défunte émission d'Ardisson et de la version québécoise de Guy A. Lepage, me voilà bien déçu.
Le dîner de cons...
D. Poirier
Mardi 06 Février 2007 9:24:34 am