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Ne pas oublier les pluies acides

Opinion du citadin

Un article d’Éric Moreault paru dans le quotidien Le Soleil, de Québec, m’a fait sursauter ce matin. Il semblerait que le problème des pluies acides ne soit pas réglé, loin de là, il est même pire que durant les années quatre-vingts. Pourtant on n’en parle plus du tout. Va-t-il arriver la même chose avec le réchauffement climatique dans vingt ans?

Les pluies acides poursuivent leur destruction de l’environnement. Gene Likens, scientifique qui a découvert le phénomène des pluies acides en 1963, a même affirmé que la situation va de mal en pire depuis.

Dans les années quatre-vingts, monsieur Likens a mesuré le ph d’eau de pluie. Le ph était de 4,05 à 4,2, soit une pluie dix fois plus acide que la pluie non polluée. En 2007, les mesures de ph donnent des chiffres de 3 et 4. Le ph 3 étant 100 fois plus acide que la pluie normale, non polluée.

Tous les relevés de ph de monsieur Likens sont pris depuis 45 ans dans la forêt Hubbard Brook dans le New-Hamshire et ailleurs. Il a constaté que les pluies acides détruisent chaque jour davantage les forêts et lacs des États de la Nouvelle-Angleterre et du sud du Canada. Québec inclus.

Ceux qui auraient tendance à relier pluies acides et augmentation des algues bleues sauteront toutefois aux conclusions beaucoup trop vite. On ne trouve pas de causes à effets entre les deux phénomènes pour le moment. Rien ne semble indiquer qu’on va trouver quelque chose en ce sens non plus.

Pour en revenir aux pluies acides, j’avoue que, bien naïvement, je croyais le problème réglé depuis longtemps. On n’en parlait plus dans les médias depuis presque vingt ans. Pourtant, rien n’est moins vrai et le phénomène est pire qu’avant malgré un accord signé entre les États-Unis et le Canada intitulé l’Accord bilatéral sur la qualité de l’air en 1991. Comme d’habitude, de la poudre aux yeux de politicien pour démontrer leur préoccupation envers l’environnement. Une fois les caméras parties, on balaie le tout sous le tapis et on oublie.

Monsieur Likens rappelle que le problème est si criant que les forêts n’accumulent plus de biomasse. En effet, les pluies acides réduisent les quantités de certains éléments qui protègent les sols tels le calcium et le magnésium. « Les sols sont si sensibles que le problème perdurera même si les pluies acides diminuent », explique Monsieur Likens. Ce qui favorise l’accumulation de dioxyde de soufre et d’oxyde d’azote, qui acidifient sols et plans d’eau.

Mais d’où vient la pluie acide? De la combustion du charbon et du pétrole, combustion qui produit du dioxyde de soufre et de l’oxyde d’azote. Cela acidifie la pluie. Les vents dominants du Jet Stream apportent au nord-est cette eau acide qui s’abat ensuite sur le Nord-Est de l’Amérique du Nord. Autrement dit, le nord-est et le midwest des États-Unis acidifient la pluie qui s’abat sur nous. Si nos forêts et nos lacs en meurent un jour, on connaîtra les coupables qui ne feront absolument rien pour nous. C’est ce qu’il y a de plus choquant dans cette problématique.

Et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Tout le monde sait que les États-Unis ont un besoin croissant d’électricité qu’ils vont produire à partir du charbon. La construction de plusieurs centrales au charbon est prévue pour les prochaines années avec une source abondante à proximité que sont les mines de Virginie occidentale. Il le faut bien puisque les Québécois ne veulent pas qu’on construise des barrages sur nos rivières pour la vente aux États-Unis et à l’Ontario. On préconise plutôt qu’il faille que nos voisins du sud consomment moins d’énergie. Mais ils le font déjà, le problème c’est la croissance de leur démographie. « La science est très claire : il faut réduire là où se déroule la combustion et réduire les émissions à la base. Certaines mesures ont été mises en place, mais ce n’est pas assez et on ne le fait pas rapidement », de conclure M. Likens, qui est aussi président de la Société internationale de limnologie. Ne comptez pas sur le Québec pour construire des barrages ou champs d’éoliennes pour la vente aux voisins du sud. De manière détournée, le problème nous revient en pleine face avec les pluies acides. Sans hydroélectricité, les Américains vont produire l’électricité au moindre coût possible. Solution, centrales au charbon grâce aux gigantesques mines de Virginie occidentale.

C’est un véritable coup de fouet que cet article. L’apparition d’un vieux fantôme qu’on croyait disparu à tout jamais. Il importe d’en tirer trois leçons :

  1. Combattre le phénomène des pluies acides qui est, de toute façon, intimement lié à celui du réchauffement climatique.
  2. À propos du réchauffement, ne jamais baisser la garde et l’oublier. Les enjeux sont trop importants.
  3. Accepter de développer davantage notre hydroélectricité pour la vendre aux Américains. Cela va nous permettre de gagner des sous et de lutter contre les pluies acides et le réchauffement climatique.

Pour ceux que ça intéresse :

Vous pouvez lire les articles d’Éric Moreault dans Le Soleil. Ce journaliste écrit de plus en plus sur les sujets environnementaux. Attention, l’article que vous venez de lire n’est pas le résumé du texte de ce journaliste, mais bien un article d’opinion.

Dans Internet : www.ecostudies.org ou www.eoearth.org/article/Acid_rain (en anglais)

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