Il était temps qu’après une décision favorable du Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE), le gouvernement prenne position rapidement en faveur du projet de port méthanier Rabaska. Or, le gouvernement Charest n’a rien fait, laissant le temps à l’opposition au projet de s’organiser. C’est dans ce contexte que la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) risquait de donner des munitions juridiques aux opposants. Or, coup de théâtre, tant qu’à prendre position, le gouvernement Charest l’a pris pas à peu près en excluant la CPTAQ du dossier. Pour justifier le geste, Claude Béchard, ministre des Ressources naturelles, a affirmé que le gouvernement se devait d’agir ainsi suite à un avis provisoire de l’organisme qui était défavorable à l’implantation du port méthanier dans le secteur convoité. Un autre combat de plusieurs années s’amorçait. Québec estime qu’il y a danger de pénurie de gaz naturel pour justifier le geste. Explication idiote. Il faut être franc et l’assumer : ça suffit les tergiversations, il y a plus d’avantages que d’inconvénients dans ce projet, allons-y à fond. Tassons les procéduriers. C’est ça la décision.
Pourquoi encore retarder le projet de 840 millions s’il a été accepté par le BAPE? Le gaz naturel est moins nocif que le mazout pour l’environnement. Un programme de transition du mazout vers le gaz naturel se met en place. Il faut aller de l’avant si l’on veut un jour se débarrasser du mazout. Bien des gens vont me traiter de naïf avec de tels arguments car, selon eux, Rabaska ne va faire qu’augmenter notre production de gaz à effet de serre. Ils ont en partie raison. Dans toute décision d’affaire il y a un risque. Il se peut que les Québécois se mettent à consommer du gaz naturel tout en consommant autant de mazout. Nous serions alors complètement dans le tort avec Rabaska. Il se peut aussi que les Québécois prennent le virage du gaz naturel et délaissent le mazout. Nous serions alors tous gagnant. Quoi, vous me traitez encore de naïf et que c’est Gaz Métropolitain et ses partenaires qui seront les seuls et grands gagnants dans tout ça? Là, vous avez tout à fait raison. Mais qui prend des risques depuis des années dans ce projet complètement fou dans le contexte québécois que l’on connait? Personne ne veut faire un port méthanier pour perdre de l’argent ou juste pour passer le temps. Il y a de gros investissements en jeux car il y a des sous à faire. C’est vrai. Est-ce illégal? Pas que je sache.
Même le ministre de l’Agriculture, Laurent Lessard, serait en accord pour que la CPTAQ soit exclue du dossier. "On franchit aujourd'hui une étape cruciale" se réjouit Claude Béchard. Et c’est vrai puisque en septembre, la CPTAQ, dans une décision provisoire, a refusé de dézoner les 271 hectares de terres agricoles où doit être construit Rabaska. Selon l’organisme, la ville de Lévis n’a pas démontré que ces terres sont les seules où le projet peut être développé. De plus, l’emplacement n’est pas nécessairement celui qui risque le moins de sacrifier la vocation agricole du territoire. Bref, ça ne finit jamais. Après le BAPE, c’est la CPTAQ et après c’est encore autre chose.
C’est justement ce genre de situation qui aurait permis aux opposants, dont certains agriculteurs, des groupes écologistes et militants d’utiliser les réserves de la CPTAQ pour utiliser la Loi sur la protection du territoire agricole pour entreprendre des poursuites judiciaires visant à retarder indéfiniment Rabaska et faire couler le projet. Québec en avait assez de ces tergiversations qui n’ont rien de démocratique. Les féroces opposants à Rabaska ne représentent pas la population ni leur volonté. "Il ne faut pas que des processus servent de nouveaux recours à des gens qui vont être contre" le projet, a dit M. Béchard à la Presse Canadienne. Retarder encore le projet va représenter un risque plus grand que de poursuivre le débat dans toute sorte d’instance."On pourrait fort bien se retrouver dans une situation où (...) dans six mois, dans trois mois, dans un an, il n'y ait plus de gaz de disponible sur le marché mondial, et ça pour le Québec cela représente un certain nombre de risques", a affirmé Claude Béchard dans un discours ma foi un peu confus et qui ne sert pas sa cause. La franchise est la meilleure arme. Il suffit de dire qu’assez c’est assez et que le gaz naturel est un meilleur choix que le mazout pour le Québec qui veut atteindre les cibles de Kyoto. Le Québec fait le choix du gaz naturel pour éventuellement laisser tomber le mazout et doit l’assumer. "On va faire quoi si dans trois mois ou dans six mois ou dans un an on a un accord sur le projet, mais il n'y a plus de gaz?", en rajoute le ministre. Si c’est pour faire peur, c’est raté. Disons qu’on a compris monsieur Béchard, n’en rajoutez pas.
L’opposition péquiste de son côté dénonce la décision du gouvernement. En effet, Pauline Marois a affirmé que le PQ va appuyer Rabaska en autant que toutes les lois québécoises sont respectées et si la Régie de l’énergie démontre que le Québec a vraiment besoin du gaz naturel. Autrement dit, elle est contre. Avons-nous vraiment besoin du gaz naturel ? Non, on a le mazout et les sables bitumineux de l’Alberta. Le Québec n’a pas un besoin vital de gaz naturel. Sauf si on considère que le réchauffement climatique est un grave problème et que ce dernier en remplacement du mazout et du pétrole va atténuer cette problématique. Il me semble que c’est un risque à prendre tout à fait raisonnable. Ironique d’entendre cela d’une personne qui est propriétaire d’un terrain privé résidentiel dont une partie est situé sur des terres agricoles. Je n’en dis pas plus car Mme Marois poursuit le journal The Gazette qui a rapporté l’information. Je dis seulement que je trouve la situation ironique. SVP, Mme Marois, ne nous poursuivez pas pour ça, nous n’avons pas d’argent de toute façon. Mais revenons plutôt au fond du débat.
Québec a fait l’annonce cette semaine qu’il allait aider financièrement les grandes entreprises à passer du mazout au gaz naturel, moins polluant. Le choix est donc fait au niveau politique. Le terminal Rabaska a le vent dans les voiles, il permettra aux navires méthanier d’accoster et décharger leur contenu. Le gaz regazéifié servira sur les marchés du Québec et de l’est de l’Ontario. Sans doute aussi, servira-t-il le marché des États-Unis qui cherchent eux aussi à moins polluer.
Enfin les choses bougent. Il était temps.