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Revenir... pour défricher mon lot de possibles

Paul-Antoine Martel est né à La Tuque, en Mauricie, en 1977. Sa famille déménage à Val-d'Or en 1986. En 1995, il quitte la région pour poursuivre ses études collégiales et universitaires à Montréal. Il travaille pour TVA Publications pendant six ans avant de revenir en région, à Val-d'Or, à titre d'agent d'animation et de développement pour le Conseil territorial jeunesse d'Abitibi-Est. Il est, depuis mai dernier, animateur à la vie rurale et communautaire à la ville de Val-d'Or.

De retour chez-moi

Automne 2002. Depuis six ans et demi, je travaille pour TVA Publications, une grosse compagnie dont la mission est de produire des magazines qui soi-disant aideraient ceux qui les lisent à « mieux vivre à travers le vécu de ceux qui font l'actualité ». J'en ai alors assez de collaborer à cette mascarade à laquelle personne ne croit, surtout pas les employés de la boîte. Depuis six mois, je suis fasciné par l'Abitibi-Témiscamingue. Je dévore tout ce que je trouve sur son histoire et ses défis. Je me tape même la toute nouvelle politique de la ruralité en entier. Je vais jusqu'à fonder, avec deux autres exilés, un organisme à but non lucratif dont la mission est de diffuser des oeuvres traitant de l'Abitibi-Témiscamingue en dehors des circuits habituels. Bref, même si je ne sais pas exactement ce que je veux faire de ma vie, je sais au moins deux choses : mes jours sont comptés à TVA Publications, et ma région d'origine m'appelle de plus en plus clairement.

Un jour d'octobre, un bon ami me propose un emploi d'agent d'animation et de développement au Conseil territorial jeunesse d'Abitibi-Est (CTJAE), un organisme qui travaille à favoriser l'intégration sociale des 12 à 35 ans de la MRC de la Vallée-de-l'Or. Laissant tout derrière moi, je rentre à Val-d'Or après plus de huit ans dans la « grand' ville », assoiffé de défis, et des utopies plein la tête et le coeur.

Dès mon retour, en janvier 2003, j'ai réalisé que mon conseil d'administration avait pleine confiance en moi et me laissait choisir les priorités auxquelles m'attaquer et la méthode à employer. J'ai ainsi pu laisser libre cours à ce désir qui me tenaillait depuis un bon bout de temps : employer le peu qui m'ont été accordés sur cette bonne vieille Terre pour agir en harmonie avec mes valeurs et mes idéaux de développement et de mieux-être pour tous. J'ai même acquis le réflexe de dire, en parlant de mon emploi, « et en plus, ils me paient pour faire ça! ». Comme quoi la conciliation travail-morale est possible.

Mais cette vision poétique de mon emploi comportait des risques de désillusions. J'ai ressenti l'enthousiasme vertigineux d'être utile à ma communauté, et partagé mes rêves avec d'autres doux fous naïfs comme moi au fil d'exaltantes discussions. Mais, j'ai aussi essuyé des refus mesquins, j'ai aussi buté contre la cécité des normes gouvernementales et la rigidité des plans d'action d'organismes.

L'animateur rural de la Ville

Depuis le 10 mai 2004, soit deux semaines après la fin du financement du CTJAE, je suis « animateur à la vie rurale et les communautaire, avec assignation aux conseils de quartier » à la Ville de Val-d'Or. Essentiellement, mon travail demeure le même, sauf qu'il est désormais circonscrit dans les limites du grand Val-d'Or, et que je rejoins maintenant tous les groupes d'âges de la collectivité. C'est tout nouveau, pour la Ville de Val-d'Or, cette préoccupation pour le rural et le communautaire. En fait, cela date du regroupement de 2002, comme quoi les fusions ont aussi eu un impact sur le monde urbain, pas seulement sur les villages!

Les cibles que j'ai retenues dans mon premier plan d'action sont l'animation auprès des jeunes, notamment en milieu rural où les besoins sont criants, les liens intergénérationnels et l'environnement. Je travaillerai aussi aux consultations publiques menées par le CLD de la Vallée-de-l'Or qui mèneront à l'élaboration d'une planification stratégique de développement dans le cadre du pacte rural, ainsi qu'à une réflexion sur les conseils de quartier, trois ans après leur instauration.

Détailler ces mesures serait fastidieux. Disons seulement qu'elles partagent toutes une même volonté : celle d'amener toujours davantage de gens à travailler pour le bien-être collectif. Rien d'autre. Je suis jeune et somme toute inexpérimenté, mais une certitude m'anime : pour que notre région si fertile en potentialités cesse de piétiner et arpente enfin le chemin menant à la maîtrise de son développement, il faudra qu'un nombre croissant de citoyens y participent. Le rôle des « intervenants » est de fournir à la population des occasions de quitter sa confortable inertie, et de l'outiller pour qu'elle participe à ce mouvement à la hauteur de ses capacités et de ses besoins.

Les milieux ruraux de Val-d'Or font face à un défi de taille: celui de garder vivante et de faire fleurir leur identité et tout ce que cela comporte de solidarités quotidiennes et de services collectifs, au lieu de devenir une banlieue sans âme. Pour y arriver, les citoyens devront réapprendre l'entraide et prendre conscience de leur appartenance à un milieu unique, doté d'une histoire qui mérite qu'on en tire des enseignements. Mon rôle, en définitive, consiste à leur fournir des occasions d'y travailler.

Source: LE TROTTEUR Volume 7, numéro 5, mars 2005, Droits réservés.

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