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Le Québec n’est pas laïc

Opinion

Le crucifix est présent derrière les élus de Magog lors des assemblées publiques. Les membres du conseil municipal de la ville ont discuté à savoir s’il fallait l’enlever ou le laisser là. Pourquoi en est-on rendu là, prendre du précieux temps des élus pour discuter de la place ou non du crucifix dans une salle dédiée au domaine publique. Cela tient plus de la décoration que de la décision politique. Ce qui fait ainsi discuter les élus, c’est le combat mené en justice par le maire Tremblay de Saguenay après une condamnation du Tribunal des droits de la personne à son égard. Nous sommes dans un pays kafkaïens où pour n’importe quoi on peut vous condamner. Dans le cas du maire Tremblay, c’est pour dire une prière en ouverture d’assemblée du conseil municipal et pour laisser un crucifix accroché au mur. La belle affaire! Il y en a un crucifix à l’Assemblée nationale et personne n’a poursuivi l’institution en justice! Ça prend une plainte pour avoir une condamnation. Des volontaires qui ont du temps à perdre pour traîner en justice l’Assemblée nationale?

Le maire de Saguenay, piqué au vif, amasse de l’argent pour aller en appel. Plus de 50 000$ ramassés en quelques jours. Deux clans se forment, ceux qui sont pour, ceux qui sont contre. Le bordel va pogner à la grandeur de la province. C’est ce qui arrive quand on laisse à un tribunal le soin de dicter ce que doit être une société. Dans le cas présent, nous apprenons que nous sommes une société laïque. Voilà qui me réjouit. Le problème, c’est que ça ne vient pas du politique. Donc, certains municipalités, qui ne se pas trainées en justice, continuent la prière et affiche leur crucifix. «Ce crucifix représente notre histoire et notre culture, a affirmé à La Tribune la mairesse de Magog, Vicki May Hamm, lors de la plus récente assemblée publique de son conseil. L'Assemblée nationale garde son crucifix et nous aussi.»

On est laïque ou on ne l’est pas. Le politique ne se prononçant pas, pourquoi serait-ce à un tribunal de décider ce que doit être une société? Le Tribunal des droits de la personne n’est pas élu et sa décision à l’encontre de Saguenay et de son maire est, disons-le, discutable et à tout le moins contestable. Sans assise politique solide sur la question, c’est contestable. Sans une loi sur la laïcité, c’est contestable. Or, si on a pas de loi sur la question, n’est-ce pas parce que nous tenons à cet héritage culturel qu’est le crucifix? C’est la raison aussi pour laquelle nous faisons des accommodements raisonnables en matière de religion au Québec. La liberté de religion se retrouve dans la Charte des droits et libertés du pays. Cette liberté s’applique aux citoyens comme aux élus en autant que sa pratique soit raisonnable. Là est toute la question. Qu’est-ce qui est raisonnable et qu’est-ce qui ne l’est pas en matière de religion? Par définition, une religion, c’est une croyance, c’est la foi, et non la raison…

Alors, le Québec est-il laïc? Il pense l’être car il ne va plus à l’église, mais il ne l’est pas car il tient à ses symboles religieux. Donc, il est encore profondément catholique quoi qu’on en dise.

Je trouve ça dommage, mais je respecte ça. Je n’aurais jamais cru dire ça du maire Tremblay de Saguenay, un homme avec qui je n’ai rien en commun, mais son combat est juste à mon sens. Même tout récemment, j’écrivais qu’il ferait mieux de lâcher la serviette et passer à autre chose. Mais avec les appuis qu’il récolte, il se doit de remettre en question la légitimité de la condamnation du Tribunal des droits de la personne à son égard. En tout cas, il a désormais, lui, la légitimité d’aller en appel avec de l’argent donné par des gens qui partagent son combat et qui en ont assez de se faire dicter comment vivre au Québec.

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