Pourquoi Quebecor devrait réintégrer le Conseil de presse
Opinion
Raymond Bachand, ministre des Finances du Québec
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Quebecor a décidé de se retirer du Conseil de presse du Québec, mécontent de certaines décisions de l’organisme contre des articles parus dans quelques-unes de ses publications. Ce faisant, Quebecor ne reconnaît plus le Conseil comme chien de l’éthique journalistique au Québec, ne reconnaît plus sa crédibilité et fait à sa guise. Le pendant de tout ça, c’est que les plaignants, désormais, ne peuvent plus s’adresser au Conseil de presse du Québec s’ils se sentent lésés. Que faire alors? Faire comme le ministre Raymond Bachand : convoquer une conférence de presse et engager un bras de fer avec Quebecor qui pourrait, laisse-t-il entendre, aller jusque devant les tribunaux. Dans un tel contexte, est-ce que des procès contre l’empire médiatique pourraient devenir légion? Le Conseil de presse ne peut empêcher les procès pour diffamation, mais il peut en limiter le nombre, de nombreux plaignants trouvant suffisant les rappels à l’ordre émis par le Conseil de Presse. Le fait de quitter le Conseil pourrait apporter plus d’inconvénients que de bénéfices à l’empire médiatique de Pierre-Karl Péladeau.
Le ministre des Finances du Québec, Raymond Bachand, a montré de quel bois il se chauffait mercredi en s’attaquant à une série d’articles parue cette semaine dans le Journal de Montréal et repris par le Journal de Québec. Il s’agit de deux publications de Quebecor. Le ministre qualifie ces articles d’«honteux». Voici des propos du ministre rapportés par Le Soleil, un concurrent de Quebecor, ce matin : «Le reportage qui a été fait dans le Journal de Montréal par l'adjoint à l'éditeur [Mathieu Turbide] est indigne du poste de la personne qui signe ça et contraire à l'éthique de la profession, a tonné Raymond Bachand. [...] Un reportage qui est basé sur des analyses fausses et qui donc arrive à des conclusions qui sont fausses.»
Les articles titrés «Promesse brisée» et «Trahi par les chiffres» se basent sur une analyse faite par Louis Charbonneau, un comptable agréé, qui contredit le ministre Bachand à propos de la proportion de réduction du déficit qui sera épongée par les contribuables. Pour le comptable agréé interrogé par le Journal de Montréal et TVA, le ministre a mal évalué les revenus de TVQ à recevoir et que la récupération via la lutte envers l’évasion fiscale n’est pas une réduction des dépenses gouvernementales. Pour le comptable, les contribuables doivent payer davantage que ce que dit le gouvernement. Toujours rapporté par Le Soleil, Raymond Bachand réplique : «Il n'y a pas eu d'appel pour valider ces chiffres. Ce reportage s'appuie sur une personne qui se donne le titre de comptable agréé, ce qui est inexact, selon mes informations. À ce que je sache, l'Ordre des comptables est intervenu depuis ce temps».
«Erreurs grossières» et «titres injurieux», sont des qualificatifs employés par le ministre en colère qui affirme avoir écrit une lettre à Pierre-Karl Péladeau pour exiger des corrections et des excuses. «Comme président d'une grande entreprise - M. Péladeau est un homme pour lequel j'ai beaucoup de respect -, je pense qu'il saura prendre les décisions qu'il doit prendre dans sa gestion de l'entreprise et par rapport aux rectifications et aux excuses qui devraient se faire, a continué le ministre des Finances du Québec. [...] Les trois premières pages d'un journal injurieuses et remplies de faussetés, comment vous réparez ce dommage-là?», rapporte le quotidien Le Soleil.
Je commence à ne plus trop croire au hasard dans de telles situations. La sortie du ministre arrive quelques jours à peine après que Quebecor ne soit plus membre du Conseil de presse du Québec. D’ailleurs à cet effet, Raymond Bachand a dit : «Le Conseil de presse, c'est un organisme important au Québec [...] Le pouvoir de la presse, c'est important pour la démocratie. Mais c'est important qu'il y ait un standard. On est descendu en bas de ça cette semaine.»
Un bras de fer entre Quebecor et le Conseil de presse est une chose, mais un bras de fer entre Quebecor, le Conseil de presse du Québec et le gouvernement du Québec, là, c’est autre chose et cela pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour l’empire médiatique. Aussi impopulaire soit-il, le gouvernement libéral de Jean Charest est passé en mode attaque. Qui peut être plus impopulaire que la classe politique au Québec? Réponse : les médias. En cognant sur les médias à travers Quebecor, le politique pourrait se remonter. C’est ce que tente, à tort ou à raison, de faire Raymond Bachand.
Voilà pourquoi, le retrait de Quebecor du Conseil de presse du Québec avec 24 heures d’avis était peut-être une réaction exagérée par rapport aux problèmes vécus par l’empire médiatique au niveau de l’éthique journalistique. Une contestation des causes litigieuses aurait été plus avisée.
Quebecor devrait réintégrer le Conseil de presse et lui demander de trancher le différent qui oppose le Journal de Montréal et le ministre Raymond Bachand. Je ne suis pas certain qu’il y ait eut manquement à l’éthique dans cette série d’article, ce n’est pas si évident que ça à trancher. Au niveau politique, on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres car, souvent, il y a place à interprétation. Ça semble être le cas avec un budget aussi complexe que celui du Québec. Qui a tort, qui a raison? Je ne saurais dire, et c’est là toute l’utilité du Conseil de presse du Québec qui, pour moi, conserve toute sa légitimité et sa crédibilité jusqu’à preuve du contraire.