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Sortez toute religion des écoles

Opinion du citadin

Pierre Foglia, dans l’édition d’aujourd’hui de La Presse, nous parle de six familles de Granby qui s’opposent au cours d’éthique et de culture religieuse (ECR). Ces familles chrétiennes pratiquantes ont envoyé une mise en demeure, ce lundi, à l’école secondaire Joseph-Hermas-Leclerc de Granby afin qu’elle annule l’avis de suspensions remis aux enfants.

En un mot, le règlement de cette école stipule que plus on manque de cours, plus on est exclu de l’école jusqu’à une exclusion complète advenant récidives. Étant donné que les enfants de ces six familles ne vont pas à tous les cours de ECR, ils ont accumulé suffisamment d’absences pour avoir une suspension importante, voire définitive, de l’école.

Pierre Foglia, dans son article, s’en prend autant aux parents qu’à l’école avec raison. Les deux partis en présence campent soit sur leur croyance ou leur règlement de manière aveugle. Des centaines de parents catholiques, juifs, protestants ou évangéliques contestent le cours d’ECR. Pourtant, un constat demeure, il est terminé le temps des commissions scolaires catholiques francophones et des commissions scolaires protestantes anglophones. Avec l’ouverture sur le monde, le Québec reçoit des élèves de toutes les religions. Chaque parent pratiquant veut un cours adapté à sa religion et celle de ses enfants. Pour répondre à cette nouvelle diversité religieuse dans les écoles, le ministère de l’Éducation a créé les cours d’éthique et de culture religieuse. Il s’agit d’une erreur. Les professeurs ne sont pas prêts, souvent ils ne connaissent même pas leur propre culture religieuse si tant est qu’elle en soit une. Si nous sommes une société laïque, il faut purement et simplement sortir toute religion des écoles. La place de la religion c’est dans l’église, le temple, la mosquée, la synagogue, etc. Rien ne nous oblige, comme société, à offrir des cours sur la religion dans les écoles. N’allez surtout pas croire que les cours de ECR vont éliminer les tensions entre religions. Juste le fait de parler des religions ne fait qu’attiser ce problème. Laissez les cours ECR pour les étudiants en théologie. Point final.

Je sais que beaucoup de croyants vont réagir à ce que j’écris ici, mais pour moi il ne fait aucun doute de l’inutilité de ce genre de cours dans les programmes généraux d’éducation. Je me souviens de mes cours de catéchèse et de culture religieuse au primaire et au secondaire : une perte totale de temps. Le sentiment était unanime parmi tous les élèves. Même les enseignants semblaient s’ennuyer avec cette matière. J’étais pourtant dans une école de frères Mariste! C’est dire comment ces cours étaient appréciés de tous! Pourtant on abordait qu’une seule religion dans ces cours : la religion catholique. Imaginez le cours de ECR : une perte de temps tout aussi totale. Voilà pourquoi je dis qu’il est préférable de laisser la religion à la maison et au temple. Les étudiants pourront alors suivre un cours de plus en français, en éducation physique ou en mathématique à l’école si on leur enlève ce cours de ECR tout aussi inutile que nos bons vieux cours de catéchèse.

Et, S.V.P., que personne ne vienne me parler de transmission des valeurs religieuses. Ces valeurs, elles sont diffusées par les parents et le ministre du culte, pas par un professeur qui bien souvent est un spécialiste du français, des maths, de sciences plutôt que de religion. Garder la religion ou les religions à l’école c’est une décision politique qui n’a rien à voir avec l’éducation, qui n’apporte strictement rien aux élèves et aux professeurs et qui sera, suivez bien l’actualité des prochains mois, un irritant majeur pour tous.

La religion n’a pas sa place dans les institutions publiques, comme l’école, dans une société laïque. Vouloir faire autrement ne causera que des problèmes. Que vous rameniez les cours de catéchèse ou que l’on s’obstine à les transformer en cours ECR, vous n’aurez que des problèmes. Sortez toute religion des écoles et vous réglez le problème.

Si tel avait été le cas à l’école secondaire Joseph-Hermas-Leclerc de Granby il n’y aurait même pas de conflit entre les parents et la direction de l’école. Il y aurait certainement des insatisfaits de ne pas avoir de cours religieux à l’école, mais ça s’arrêterait là.

La religion, s’il y a une chose à apprendre de l’imposition des cours ECR, n’est que source de problèmes dans les institutions publiques laïques. Il faudra bien un jour se rendre à l’évidence. Pour ma part, je ne ferai pas comme Pierre Foglia ce matin en jetant le blâme aux parents et à la direction d’une école secondaire de Granby. Je pointerai comme responsable de tout ce fiasco et ceux à venir le ministère de l’Éducation du Québec pour ne pas avoir profité de la réforme pour sortir tout cours de religion ou d’ECR des écoles. Vivement que le Québec assume un jour pleinement sa laïcité.

Je termine ce dernier article d’opinion en 2008 pour souhaiter à tous nos lecteurs un Joyeux Noël (avec tout le sens religieux que cela comporte car je n’ai rien contre la religion soit dit en passant) et une très belle année 2009.

Commentaires

Sortez toute religion des écoles.

Bonjour,

Vous avez raison : la religion est une affaire privée qui n'a rien à faire à l'école. Je considère que le cours d'ECR est une tentative hypocrite de freiner la chute libre du catholicisme en privilégiant cette religion par rapport aux autres (décrites avec beaucoup trop de détails) et en excluant la découverte des principes, des valeurs, des fondements, des objectifs et des options de l'humanisme laïque.

J'irai même plus loin dans la défense et la promotion de la laïcité (politique et philosophique) : à notre époque de pluralisme des cultures et des convictions, les familles et les Eglises ont-elles encore moralement le droit, même s'il est constitutionnel, de priver leurs enfants de toute information à propos d'autres options non aliénantes ? Le cours d'histoire est évidemment suffisant pour donner (intellectuellement) un minimum de culture religieuse, mais il n'aborde jamais les différentes options philosophiques de l'humanisme laïque ...
Je viens de poser 16 questions aux parents croyants, français et belges.
Elles résument - brièvement - mon point de vue, inhabituel, j'en conviens :

1. Face à la laïcisation croissante de la société, du moins sous nos latitudes, et bien que la foi relève de la sphère privée, toutes les religions réagissent par des tentatives de réinvestissement des consciences, de re-confessionnalisation de l'espace public et de néo-cléricalisme politique, surtout depuis Jean-Paul II, Benoît XVI et le "chanoine-président" Sarkozy 1er ...
Cette liberté d'expression, bien que communautariste, est légitime, du moins tant que les prescrits religieux ne prévalent pas sur la loi, mais n'est-elle pas critiquable à notre époque de pluralisme des convictions et d'ouverture à la différence?

2. L' Etat, qu'il soit français ou belge (qui devrait enfin inscrire la laïcité dans sa Constitution ! ), a une obligation de neutralité, et est sensé garantir la liberté de conscience et de religion. Mais avant de prétendre garantir la liberté d’exprimer sa religion, ne faudrait-il pas d'abord garantir la liberté d'en avoir une ou de ne pas en avoir ?

3. Hélas, la liberté de croire ou de ne pas croire n'est-elle pas compromise par l’imprégnation de l’éducation religieuse familiale
précoce, forcément affective puisque fondée sur l'exemple et la confiance envers les parents, ainsi que par l'influence d'un milieu culturel excluant toute alternative humaniste non aliénante ?

4. Le psychologue jésuite Antoine VERGOTE, professeur à l'Université catholique de Louvain, n'a-t-il pas montré dès
1966 qu'en l'absence d'éducation religieuse, la foi n'apparaît pas spontanément, et aussi que la religiosité à l'âge adulte en dépend ? (et donc l'aptitude à imaginer un "père" protecteur substitutif et anthropomorphique, fût-il "Présence Opérante du Tout-Autre" ...).

5. D'autre part, des neurophysiologistes n'ont-ils pas établi que les amygdales (pas celles de la gorge mais du cerveau émotionnel) sont capables, dès l'âge de 2 ou 3 ans, de stocker des souvenirs inconscients, tels que les comportements religieux et les inquiétudes métaphysiques des parents, reproduits via les neurones-miroir du cortex préfrontal ?

6. Enfin, ces chercheurs n'ont-ils pas constaté, par l'IRM fonctionnelle, que le cortex préfrontal et donc aussi bien l'esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s'en trouvent anesthésiés, à des degrés divers, indépendamment de l'intelligence et de l'intellect, du moins dès qu'il est question de religion (ce qui expliquerait la difficulté, voire l'impossibilité, pour un croyant de remettre sa foi en question) ?

7. N'est-il pas logique et légitime dès lors que certains athées, comme Richard DAWKINS, ou agnostiques comme Henri LABORIT, au risque de paraître intolérants, perçoivent l'éducation religieuse, bien qu'a priori sincère et debonne foi, comme une malhonnêteté intellectuelle et morale ?

8. Loin de vouloir réduire la complexité du psychisme humain, et en particulier la foi, à un "mécanisme" psycho-neuro-physio-
génético-éducatif, n'est-il pas légitime de compléter son approche traditionnelle (philosophique, métaphysique, théologique,
anthropologique, sociologique) par une approche neuroscientifique permettant de mieux comprendre le phénomène religieux ?

9. N’est-il pas grand temps de repenser le rôle de l'Etat, mais aussi celui des parents et des enseignants qui devraient se demander si, de nos jours, ils ont encore moralement le droit, fût-il constitutionnel, de transmettre la même éducation que celle qu'ils ont reçue, de plus en plus inadaptée à la modernité ?

10. Sans se départir de sa neutralité, l’école ne devrait-elle pas compenser l'influence unilatérale de la famille et celle d'un milieu religieux exclusif par une information minimale et objective non seulement sur le « fait religieux », sur la soumission (d'origine génétique) qui est commune à toutes les religions, mais AUSSI sur le « fait laïque », ce qui réduirait les
actuelles inégalités socio-culturelles ?

11. Les parents croyants ne devraient-ils pas être informés par l'Etat, objectivement et sans prosélytisme, que la laïcité
philosophique, bien qu'elle refuse toute référence divine, n'est pas pour autant antireligieuse, et qu'elle vise seulement à faire connaître l'humanisme laïque, ses principes, ses valeurs, ses fondements, ses options et ses objectifs, actuellement occultés, afin de permettre de choisir aussi librement et aussi tard que possible de croire ou de ne pas croire ?

12. N'est-il pas indispensable de découvrir que la morale laïque se fonde, non pas sur la soumission à des "commandements" et à des textes "sacrés", mais sur la responsabilité individuelle, le libre examen, l'esprit critique et sur une conscience morale autonome, qu'il existe une spiritualité laïque et que l'on peut donner un sens à l'existence autrement que par la spiritualité religieuse ?

13. En bref, la garantie constitutionnelle de liberté de conscience et de religion ne devrait-elle pas avoir priorité sur le respect des conceptions philosophiques, religieuses ou idéologiques des parents ?

14. Ne faudrait-il pas dès lors, organiser tant en France qu'en Belgique, un véritable débat national et oser repenser, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, certaines notions fondamentales telles que la neutralité de l'Etat, la liberté constitutionnelle d'enseignement, la transmission des valeurs et les limites de la tolérance vis-à-vis des prétentions des religions à imposer leurs vérités exclusives, en particulier celles du catholicisme, du judaïsme, du christianisme évangélique, de l'islamisme et des sectes ?

15. Quant à l'enseignement confessionnel, survivance obsolète, inégalitaire et élitiste du MoyenAge, ne devrait-il pas faire place (après 50 ans de "pacte scolaire" en Belgique) à " l'école pluraliste", mise au frigo depuis 34 ans et, sans crainte d'encore introduire le loup dans la bergerie, à la fusion des réseaux officiel et privé, du primaire à l'universitaire, ne fût-ce que pour des raisons économiques ?

16. N'est-il donc pas légitime que la laïcité, tant politique que philosophique, bien qu'elle soit rétive à tout prosélytisme, se montre à présent plus combattante et plus fermement attachée à ses principes, plutôt que conciliante, frileuse, voire laxiste, afin de promouvoir enfin le "vivre ensemble" et une citoyenneté responsable ?


Michel THYS, à Waterloo(en Belgique).

michelthys@tele2allin.be