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Pour Victor-le-matamore

Ami, de quoi t’as l’air là ? Veux-tu bien te calmer un peu. Voilà-t-y pas que les gazettes m’apprennent que tu jettes ton nouveau livre (La grande tribu) au feu après avoir invité des reporters au bord de la bavette de ton pouèle à bois! Non mais...

Aussi, je lis que, dans deux mois — le premier mai —, tu vas en jeter un bon paquet d’autres. Deviens-tu pyromane? Faut respirer par le nez mon petit camarade. Tu files un mauvais coton. Des articles de ton Trois-Pistoles natal — à propos de cet incendie littéraire — racontent vaguement tes griefs, les motifs de ton enragement. Tu as mis des lunettes noires, trop noires. Pas trop sûr d’avoir tout bien compris. Tu crains quoi? Une sorte d’écrasement général? Une démission sociale, culturelle, et politique. Pourquoi ça diable. Je vois poindre, moi, mille bons signes de santé sur tous ces plans.

Tu as annoncé orbi et urbi que tu te retires de la vie publique aussi pour raison de santé. Là, je deviens inquiet et sérieusement je ne veux pas que la maladie s‘installe chez toi, dans ton cher petit paradis basdufleuvien. Je me fiche un peu de tes chats, chiens, poules et chèvres et même de ton agneau pascal, je ne me fiche pas du tout de l’auteur des Grands-pères et du Rêve québécois, ni, à la télé, de celui de Race de monde et de L’héritage ou de Montréal, P.Q.

J’ai cru comprendre que tu es découragé de « tout le peuple ». Là, mon veux, tu files vraiment un mauvais coton Victor. Il y a dix, vingt, cent raisons, au contraire, de garder espoir. Je suis très confiant face à l’avenir, Même face à l’avenir prochain du Québec. Sois tranquille, je ne te parlerai pas de Céline Dion, ni du Cirque du soleil ou de Bombardier et de Quebecor. Je te parle de fameux récents bons spectacles vus à La Licorne et au GO, de formidables nouveaux romans, dont « La sœur de Judith » que je viens de terminer, de films québécois forts, extrêmement bien faits, dont « Continental », oui, il n’y a absolument rien, mais vraiment rien de décourageant du côté qui nous intéresse tous les deux : la culture vivante, la culture qui se fait et va se faire. La vie culturelle est ces temps-ci fort dynamique et offerte par « ceux qui viennent », par les jeunes créateurs québécois — filles et garçons — qui commencent à étaler les fruits de leurs dons bien solides.

Allons, faut te secouer mon cher Victor. Du cran et bon courage. L’hiver est long, c’est certain. Mais le printemps s’en vient, est à nos portes. Et tes belles bêtes vont pouvoir courir dans ton pré que ce sera pas long. Tiens le coup, allons! Je te vois mal en un Yvon Deschamps qui, un mauvais moment, prévoyait notre disparition. Ou en un Jacques Godbout pas moins fataliste. Foutaises et fadaises. Évite ces oiseaux de malheur, t’es d’une autre trempe, non? Tes écrits le prouvent. Ton imagination si fertile, si généreuse, dément cette mauvaise passe de noirceur que tu traverses, ta funeste lecture d’un réel bien mal perçu. Bon repos, cher Vic. La jeunesse du Québec actuel a besoin d’aînés confiants, lucides mais optimistes aussi. Les prédicateurs de désespoir (Nancy Huston a bien raison) sont nuisibles, sont de stériles éteignoirs. On en a bien assez dans notre petite patrie, non? Victor, nous avons un devoir d’espérance face à nos cadets qui, aujourd’hui même, sont penchés à leurs établis, chevalets, écritoires et autres « planches » de création.

Pas vrai?

Source: Poing comme net, Pour Victor-le-matamore.

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