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Sortir les économies régionales du réseau organisé de survivance dans lequel on les a enfermées

Déjà au siècle dernier, le penseur politique et historien français Alexis de Tocqueville démontrait que le succès remarquable de la Nouvelle-Angleterre provenait du fait que la Constitution de cet État donnait la souveraineté au peuple. Il soulignait, entre autres, l’attachement des gens à leur village parce que le peuple y place son ambition et qu’il concourt à le diriger. Il participe comme une force vive à l’édification de son avenir. Ce ne sont pas des administrés qui peuplent ces régions, mais des citoyens bâtisseurs. Là est le fondement du succès.

De Tocqueville voyait juste : là se situe le cœur de la dynamisation d’un village, d’une ville ou d’une région. Éloignez le centre de décision et vous tuez la prise en charge, la volonté responsable d’aller plus loin. Vous créez l’attentisme, la dépendance et bien plus encore, la déresponsabilisation menant parfois à la délinquance organisée. On a tôt fait de comprendre que, puisqu’il faut bien survivre, il est habile d’utiliser le favoritisme, les luttes de pouvoir afin de s’approprier la fortune qu’on voit poindre dans toutes opportunités. C’en est alors fini de la solidarité et du bien commun ; là commence l’édification de petits royaumes gouvernés par des élus jaloux de leurs prérogatives.

Nos députés en sont bien conscients puisque nous défilons à leur porte pour quémander le soutien nécessaire à la mise en place de « projets » qui ne sont en fin de compte que des miettes pour passer l’hiver et empêcher la chute dans les labyrinthes de l’assistance sociale.

Année après année, nous tissons un réseau organisé de survivance. À titre d’élus, nous passons plus de temps à quémander des faveurs qu’à gérer une ville et son développement. Les jeux de corridors et les lobbies politiques deviennent les seules armes de revitalisation du milieu.

Les politiques de centralisation et la dictature bureaucratique ne sont pas issues du gouvernement en place à l’heure actuelle ; depuis la Révolution tranquille, nous avons pu observer une lente progression du pouvoir des mandarins de l’État qui, grâce aux prérogatives qu’ils s’approprient souvent et qu’ils maintiennent avec énergie, prennent jour après jour des décisions sans en connaître les véritables incidences dans les milieux concernés. En un mot, ils décident de notre destinée sans que nous ayons droit au chapitre

Parlons maintenant de l’avenir

Allons-nous tolérer plus longtemps cette situation improductive, insensée ? J’ose croire que l’heure est venue de construire démocratiquement et économiquement des régions autonomes administrativement. Des régions où les citoyens responsables occupent leur territoire, des régions où les gens engagés définissent à partir de leur « terroir » un projet collectif qui leur est propre et dans lequel ils pourront s’investir et se réaliser intégralement, eux et leur communauté.

Cette décentralisation suppose plus qu’une restructuration administrative du genre relocalisation. Les citoyens sont de plus en plus en voie d’exiger que le pouvoir de décider appartienne aux instances les plus proches d’eux. Nous comprenons bien ici ce que cela veut dire : que les budgets doivent également suivre cette décentralisation… Je revendique le pouvoir pour les régions dans un juste équilibre entre un État qui veille sur le peuple selon le principe de subsidiarité : on doit bâtir de bas en haut et non l’inverse.

Tout cela devient l’enjeu de nos partis politiques qui doivent prendre en compte l’évolution des citoyens, les revendications des régions, la nécessaire autonomie garante de la diversité du développement et prévoir les mécanismes de la décentralisation sur une base territoriale selon le principe d’une gouvernance intégrée.

On pourrait épiloguer sur de multiples stratégies pour retenir nos jeunes en région pour développer l’entreprenariat local ou moduler les programmes offerts. Ce serait essayer de consolider une maison qui ne répond plus aux besoins de ses usagers. Je préfère une remise à neuf. Je suis sûre que je participerai bientôt à cette nouvelle révolution tranquille en tant qu’élue. Les citoyens l’exigent : la révolution qui se prépare est celle des régions.

L’heure est venue ; allons-nous avoir le courage de mettre en branle ce chantier politique afin de donner un nouveau souffle au Québec ? Oserons-nous la solidarité dans la diversité ?

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