L’Affaire Jaziri suscite un débat hors sujet
L'opinion du citadin
Saïd Jaziri est l’imam de la mosquée Al-Qods à Rosemont qui s’est fait connaître des Québécois de toutes les régions via la télévision pour ses positions radicales. Il en avait tout à fait le droit, bénéficiant ici de la liberté de parole, que l’on soit d’accord ou pas avec lui. Pour avoir menti à propos de l’existence d’un casier judiciaire en France, Saïd Jaziri sera renvoyé dans son pays d’origine, la Tunisie, où, selon lui, la torture l’attend. Ce matin, je lis dans le quotidien La Presse une brève entrevue accordée au journaliste Mario Girard par Monsieur Jaziri depuis le Centre de prévention de l’immigration à Laval. C’est cette entrevue qui m’interpelle. En effet, l’imam se questionne «Qu’est-ce que j’ai fait aux Québécois pour mériter cela?» Je répondrai, en mon nom personnel bien sûr, que vous n’avez rien fait de mal aux Québécois. Vous vous êtes rendu antipathique auprès de bien des gens, dont des coreligionnaires, mais vous en aviez pleinement le droit. Par contre, vous avez menti à la Commission de l’immigration sur le statut de réfugié en ce qui concerne votre casier judiciaire en France. Voilà pourquoi la Commission a décidé de vous retirer votre statut de réfugié et de vous retourner dans votre pays d’origine, la Tunisie. C’est un mensonge qui vous vaut cette sanction.
Il y a danger ici de dévier le débat. Si l’imam Saïd Jaziri doit partir du Canada, ce n’est pas à cause de ses prises de position controversées, mais bien pour avoir menti à son pays d’accueil. Le candidat réfugié doit déclarer l’existence d’un casier judiciaire. La découverte d’une telle omission dans le dossier renvoie à la case départ, c'est-à-dire, règle générale, un retour au pays natal. Est-ce que Monsieur Jaziri aurait eu la paix s’il n’avait pas été une figure publique aussi connue et controversée? Sur ce point, je ne peux répondre et là n’est pas la question. Ses positions radicales qui suscitaient la controverse ont sans aucun doute attiré l’attention sur lui plus qu’il ne le souhaitait. C’est un choix qu’il a fait et c’est faux d’affirmer, comme il le fait dans La Presse de ce matin : «J’ai tenté de dire aux Québécois qui nous sommes. Je suis allé dans des débats télévisés pour dire cette vérité, avec le résultat qu’on m’envoie maintenant à la torture. Ailleurs, on prend des armes; moi, j’ai pris la parole.» Saïd Jaziri estime qu’il sera déporté pour ses prises de positions dans les médias. C’est faux et il le sait.
Je ne suis pas placé pour affirmer qu’il n’y a pas de torture en Tunisie. Je n’en sais rien et je ne m’avancerai pas sur ce point. Ce que je peux dire, c’est que la Commission de l’immigration sur le statut de réfugié ne renvoie pas ce candidat en Tunisie pour ses prises de positions controversées et radicales. Elle le renvoie pour avoir menti dans son dossier de réfugié. C’est tout.. Faute grave que nécessite la présente sanction. Je suis d’accord sur le fait qu’on peut débattre de cette sanction toutefois.
Si l’on fouille un peu dans les médias et sur internet, ce casier judiciaire est le résultat d’une complicité de coups et blessures durant une manifestation devant une mosquée durant les années 90. Rien de majeur, direz-vous. D’accord. Alors pourquoi ne pas en avoir parlé à la Commission de l’immigration ?
Monsieur Jaziri est détenu jusqu’au moment de son départ pour la Tunisie car la Commission estime qu’il risque de fuir si on devait le relâcher. Pour protester l’imam fait une grève de la faim.
Le message qu’envoie la Commission est celui-ci : vous avez beau être connu, être un guide spirituel, avoir une femme québécoise qui est enceinte de huit mois, vous n’êtes pas au-dessus de la loi. Un mensonge à la Commission de l’immigration à propos d’un casier judiciaire est passible de votre perte de statut de réfugié et un retour à la case départ peu importe votre situation. Voilà le message envoyé qu’on soit d’accord avec ou pas. Personne n’est au-dessus de la loi. De plus, selon la Commission de l’immigration, Saïd Jaziri exagère la menace de torture qui pèserait sur lui en Tunisie. Ce dernier est persuadé du contraire et qu’il sera torturé en raison de ses critiques envers son pays d’origine.
Sur ce point, je ne saurais dire qui a tort et qui a raison. Ce que je retiens de toute cette histoire, c’est qu’un candidat au statut de réfugié a l’obligation de déclarer tout casier judiciaire existant à son égard faute de quoi il perd ce statut privilégié. Le statut de réfugié permet de recevoir un budget de subsistance pour se loger, manger et se soigner durant une période plus ou moins longue d’adaptation. Cet argent provient des contribuables canadiens qui sont tout à fait d’accord, pour la majorité, avec ce programme d’aide. Alors lorsqu’un candidat ment sur un casier judiciaire, il se peut fort bien qu’au lieu d’être un réfugié, il soit tout simplement un malfaiteur. Voilà pourquoi ce mensonge vaut une sanction. Je trouve que c’est une sanction adéquate en autant que monsieur Jaziri ne soit pas torturé en Tunisie. Si effectivement c’est le triste sort qu’il l’attend là-bas, la sanction est exagérée.
Quoi qu’il en soit, l’Affaire Jaziri suscite actuellement un débat hors sujet sur la liberté de parole. Il devrait plutôt porter sur la Commission de l’immigration et des sanctions émises par elle. Ce serait beaucoup plus intéressant et constructif. Un peu plus de transparence de la part de cet organisme aurait d’ailleurs été de mise dans le présent dossier surmédiatisé. Surtout dans le contexte du psychodrame de la Commission Bouchard-Taylor. De plus, l’arrestation de l’imam coïncide avec une tempête médiatique à son sujet. Tout ça est trop gros pour être une coïncidence aux yeux de bien des gens. Moi-même, je m’interroge. Pourquoi l’imam Jaziri est arrêté à ce moment-ci plutôt que l’an passé? J’aimerais bien avoir une explication à cette question.
Imam Jaziri
A. Arsenault
Dimanche 21 Octobre 2007 4:23:03 pm