Les Québécois aiment la piquette, le gros rouge qui tache
Vous saviez que les Québécois aiment le vin. Ce sont de fins connaisseurs en la matière et le critère qui compte, c’est le prix, point à la ligne. La vente de vin d’origine douteuse à Kahnawake, en Montérégie, en est la preuve. Depuis que le Journal de Montréal en a fait un article, les ventes de la First Nations Kahnawake Winery ont augmenté. Les vins qui sont vendus là ne se retrouvent pas la SAQ et se vendent entre 5 $ et 10 $ la bouteille. Ces vins sont présentés comme des dénominations d’origine contrôlée.
Claude Langlois, du Journal de Montréal, a fait une critique de dégustation sans ambiguïté : c’est mauvais, très mauvais. Monsieur Lahache n’est pas d’accord car il affirme n’avoir jamais eu de plaintes au sujet de ses vins. J’imagine que ce qui le choque c’est d’avoir vu certains de ses vins qualifiés de piquettes extrêmes.
Je n’ai pas goûté lesdits produits, sans doute faits à partir de concentrés, et je ne connais pas les subtilités de la loi sur les réserves indiennes pour savoir si tout ça est légal ou pas. Mais en aucun cas je ne vais encourager un commerce qui semble échapper à tout contrôle gouvernemental ou sanitaire.
Selon monsieur Lahache, tout est légal puisqu’il a un permis de la Alcohol and Beverages Control Board de Kahnawake. Je ne connais pas cet organisme mais disons que c’est légal. Allons plus loin maintenant.
Lionel Jacob, président de l’organisme, confirme à la Presse Canadienne, qu’il a le droit de délivrer des permis et en a remis un à Monsieur Lahache. À la SAQ, la directrice des affaires publiques, Stéphanie Trudeau, affirme ne jamais avoir entendu parler du commerce de monsieur Lahache. Elle ajoute à la Presse Canadienne que les vins vendus dans la réserve doivent être achetés à la SAQ et que le commerce doit avoir un permis. La Régie des alcools, des courses et des jeux confirme qu’il faut un permis pour vendre de l’alcool sur la réserve. Comment expliquer ce Kahnawake Winery alors?
Lionel Jacob, le responsable de l’Alcohol and Beverage Control Board de Kahnawake, explique que le commerce de monsieur Lahache, ouvert depuis l’an dernier, a les permis nécessaires émis par la réserve en vertu d’une entente qui a été signée en 1999 et qui est valide jusqu’en 2009. En vertu de cette entente avec le gouvernement du Québec, le Control Board de Kahnawake a le pouvoir de délivrer ses propres permis d’alcool. Cela dit, tout produit vendu dans l’établissement de Monsieur Lahache doit provenir de la SAQ. Cela ne semble pas être le cas. D’où viennent ces produits? Pas de la SAQ en tout cas.
Malgré ce flou juridique, la qualité douteuse des vins vendus (voir critique du Journal de Montréal), ce qui intéresse les acheteurs, c’est le prix. Si ce n’est pas cher, le Québécois achète. Pas besoin d’aller bien loin pour constater le tout. À la SAQ, les vins les plus populaires sont les moins chers. Dans les épiceries, on vend d’innommables vins génériques dits vins de cépage. On ne dit pas lesquels ni en quelle année le vin a été fait. Les dépanneurs et épiciers en vendent beaucoup ce ces produits. Pourquoi? Parce que ce n’est pas cher. Toujours le prix le moins cher, quitte à prendre des risques et aller acheter du vin de provenance douteuse dans une réserve indienne.
Pour sauver quelques sous par bouteille, on est prêt à risquer sa santé. C’est quoi la prochaine étape, l’achat de vins frelatés sur le marché noir?
À la SAQ dépôt j’ai déjà vu un lot de bouteille de vin de Slovéquie qui partait à 6 $ la bouteille. Le client avait la possibilité de goûter avant d’acheter. C’était imbuvable, même en me payant je n’aurais pas pris une bouteille. Pourtant, de nombreux acheteurs en achetaient à la caisse, la plupart sans même y goûter. Le prix, seul le prix comptait.
Sommes-nous si pauvres au Québec? Peut-être est-ce un réflexe de nos années de la grande noirceur… Quoi qu’il en soit, ne peut-on acheter moins mais de meilleure qualité? Le Castillo de Liria est un vin espagnol qui coûte 7 $ si vous l’achetez à la caisse et c’est très potable. Pourquoi acheter une piquette extrême ou un reste de lot pour en arriver à 6 $ la bouteille et se donner des brûlements d’estomac? Pourquoi acheter des vins d’épicerie et de dépanneur qui sont souvent au même prix que des vins forts bons à la SAQ. L’illusion du prix, de la bonne affaire.
Les Québécois ne sont pas amateurs de vins même si les ventes progressent, ce sont des amateurs d’alcool par cher. Si le cidre était moins cher, ce serait le cidre. J’exagère, je généralise bien sûr. Mais la vérité est qu’un pourcentage assez élevé de Québécois oriente leur achat de vin uniquement sur le prix.
L’augmentation des ventes de la First Nations Kahnawake Winery après l’article du Journal de Montréal en est un bel et désolant exemple.
Ne venez pas vous plaindre si vous êtes frappé d’une cécité soudaine après avoir consommé du vin d’appellation d’origine contrôlée acheté dans un établissement incontrôlé. La santé ça n’a pas de prix, mais certains sont prêts à jouer avec pour une poignée de cennes.
le prix
JFL
Lundi 23 Juillet 2007 16:13:10