Vous avez bien dit communautaire? Ah bon!
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Pourquoi est-ce que quand quelque chose donne de bons résultats on a la propension à douter? On scrute cette chose ou cet individu, ce groupe ou même un membre de notre famille et c’est quasiment comme si on espérait sentencier le moment ou il commettra une erreur! Pourquoi n’a-t-on pas le conditionnement pour se joindre à ce succès ou du moins le soutenir? De le chapeauter, l’accueillir ou pourquoi pas le reproduire?
Cependant, on dit de nous québécois, qu’en temps difficile on sait se serrer les coudes! Il semble bien que ça ne soit pas toujours le cas, ou bien est-ce parce que nous ne considérons pas que nous rencontrons une période éprouvante? On parle partout d’aidant naturel, de simplicité volontaire, d’autonomie, d’entraide populaire et d’actions communautaires indépendantes. Qui connaît vraiment son propre monde communautaire? Celui qui se trouve dans sa propre cour. D’ailleurs je vous mets au défi d’en nommer 3 rapidement sans tricher! La plupart n’y arriveront pas. Dommage, car lorsque nous les connaissons et sommes renseignés des changements, des mouvements, des appuis et bien entendu de l’aide qu’ils apportent à notre communauté, nous tombons sous leur charme.
Savez-vous que ce sont eux qui font une vraie différence dans la qualité de vie de millier de citoyens? Peut-être même pour un membre de votre famille sans que vous ne le sachiez ou un voisin, un ami qui a été ou est encore supporté par un de ces organismes sans but lucratif! Pouvez-vous imaginer combien d’argent ces organismes sauvent au gouvernement chaque année? Si ça n’était pas le cas croyez-vous vraiment que les gouvernements auraient accepté de les reconnaître et de les financer, même au compte-gouttes!
Un jeune dans un centre jeunesse coute en moyenne au gouvernement 100 000 $ par an! Une personne qui vit de l’aide social entre 8000 $ et 15 000 $ minimum! Sans compter les médicaments, le dentiste, les lunettes et tout le reste! Je ne dis pas ici que les gens qui vivent de l’aide social sont riches et ultras bien nantis, bien au contraire c’est pour cette raison qu’ils ont tant besoins des services d’organismes communautaires, ils vivent dans des conditions de pauvreté parfois invraisemblables, sont souvent malades, seules et en détresse! Comment s’en sortir alors sans un peu d’accompagnement?
Bien sûr on entend souvent parler de gros chiffres dans les médias, de l’argent remis pour des programmes sociaux, des organismes sans but lucratif, mais ces chiffres sont partagés et dispersés dans des centaines d’endroits donc au final, un seul organisme reçoit bien peu! D'autre part, ces chiffres sont souvent clamés pour le Canada en entier soit autour de 33 millions de personnes et 160 000 organismes de bienfaisances, 46 000 au Québec! Les décideurs savent bien combien coûte chaque personne à qui on évite de se rendre dans un centre hospitalier, dans une prison ou dans un centre d’accueil et même dans un CSSS!
Des êtres humains fragilisés par la maladie mentale, la dépendance, la consommation, l’isolement, la pauvreté ou la souffrance psychologique, la violence infantile, la violence conjugale, les agressions sexuelles ou l’abandon. La liste est longue. Combien d'organismes remettent des jeunes qui traînaient dans la rue sur les bancs d’école ou les dirigent vers un travail? Ne les sortent-ils pas alors de l’aide sociale? De là, ils les encouragent à réduire les méfaits que soumettent la rue et la pauvreté? Certains vont vers des cheminements de désintoxication ou de thérapie et ils s’en sortent! Deviennent des citoyens respectables et payent leurs impôts.
Certains de ces organismes ont pour mission d’accompagner des personnes âgées, malades, démunies et isolées pour des rendez-vous médicaux ou légaux importants. D’autres offrent des activités sociales ou artistiques afin de restituer l’espoir et l’estime d’eux à une population fragilisée pour mille raisons et qu’on se doit comme société d’aider. Car il est faux de dire que nous partons tous du même pied dans la vie!
Des jeunes de la rue affamés qui mangent et qui s’amusent à des activités les rendant heureux dans un contexte sécurisant, moins strict et accueillant pour eux, cela suffit souvent pour leur redonner l’espoir dans la vie et dans l’humain en qui ils avaient perdu toute confiance! Des familles momentanément démunies ou isolées à cause d’une mauvaise passe. Des parents d’enfants malades ou différents de ce que la société demande, qui sont dépassés et ont épuisé toutes leurs ressources, leur réseau s’étant volatilisé. Des gens qui avaient des rêves et qui ont perdu l’espoir de les accomplir sont aussi stimulés et guidés par ces organismes.
Personnellement j’ai entendu des témoignages poignants de gens qui affirment être en vie et heureux de l’être à cause des personnes qui œuvrent dans ces lieux. J’ai aussi été témoin de ce genre de miracle qu’accomplissent chaque jour ces femmes et ces hommes de cœur, en sauvant la vie de gens désespérés et méfiants du système traditionnel dans lequel ils ne cadrent pas! Fréquemment d’ailleurs, un système dont ils ont été exclus.
Que dire alors de ces organismes et de ces personnes qui y travaillent? Pour la plupart, ils sont soutenus en grande majorité par des femmes. Des femmes qui sont là pour la cause, la mission, car la paye est presque toujours dérisoire malgré leurs compétences. Des gens de cœur qui ne comptent pas les heures et qui apportent chez eux dans leur famille, leurs dossiers qu’ils nomment par un nom de personne d’êtres humains. Des gens qui se réveillent la nuit parce qu’ils s’inquiètent pour une personne qui souffre. Des professionnels qui ont fait leurs preuves depuis belles lurette et pourtant! Pourtant dans la réalité de leur quotidien, le plus gros de leur travail n’est pas relié directement à la personne qui a besoin de soutien, détrompez-vous! Ces gens d’une qualité humaine rare, d’une expertise certaine et d’un professionnalisme indiscutable passent la plupart de leur temps à chercher de l’argent pour survivre! Chaque mois à subsister est une victoire de plus! Les demandes de subventions gouvernementales sont longues et exigeantes à exécuter. Les réponses arrivent trop souvent tardivement. Certaines subventions qui payaient les salaires minces des intervenants sont coupées ou dirigées vers d’autres portefeuilles, leur dit-on, à tort ou à raison, comment savoir? Dans la majorité des cas, une petite poignée de gens seulement travaillent à appliquer leur mission du mieux qu’ils le peuvent avec bien peu. Créativité, polyvalence et don de soi sont pour eux gage de réussite et d’espoir.
Un seul individu doit être à la fois commis de bureau, gestionnaire, réceptionniste, organisatrice d’événements, commis comptable, responsable des communications et j’en passe. Il doit en tout premier lieu être disponible pour la personne qui réclame du soutien puisque c’est le but premier de sa mission, sa raison d’être et sa formation professionnelle de départ! Il est intervenant, écoutant, souriant et accueillant surtout. Pourtant une épée Damoclès reste en permanence au dessus des têtes de chacun d’eux! Comment savoir s’ils pourront le mois suivant, continuer leur mission dans leur communauté?
Tous les organismes communautaires ont leur place et leur rôle important à jouer au sein de la communauté, nous nous devons de les aider à survivre! Les appuyer dans leurs demandes d’aide aux gouvernements, aux grandes entreprises également, c’est à mon avis une responsabilité. Regardez dans votre quartier, choisissez un organisme près de chez vous et attardez-vous pour voir ce que ces gens réalisent. Prenez le temps de vivre une journée ou seulement un après-midi avec eux. Posez des questions à ces personnes de cœur qui travaillent avec leurs tripes pour des humains souffrants ou marginaux. Dans leur quotidien vous comprendrez mieux leur essoufflement, mais surtout leur valeur et importance pour la population et peut-être même découvrirez-vous que leurs services sont enrichissants et s’adressent à vous ou à quelqu’un de proche?
Le communautaire est partout et on ne le voit pas! Que ce soit dans la santé, la culture ou l’éducation, il œuvre chaque jour pour améliorer notre qualité de vie et celle de notre environnement! Ces organismes sans but lucratif ont besoin de nous! De notre temps, de notre appui. Parlez d’eux, ouvrez les yeux et voyez comme ils nous informent, ils nous divertissent, sauvent et transforment des milliers de vies chaque année! Tellement de belles histoires planent entre les murs de ces endroits chaleureux et accueillants! Des histoires que nous devrions connaître et répandre! Aider nos aidants naturels à survivre et à continuer leur travail humanitaire! Car il existe du travail humanitaire outre-mer, pourtant, ici même dans notre province, notre ville, notre petite communauté, des centaines de travailleurs humanitaires, bénévoles très souvent, ont besoin de notre aide et de notre appui! Donc s’il vous plait, faite le test et trouvez un organisme autour de vous et demandez-vous ce qui arriverait s’il n’existait plus?
Combien chaque personne prise en charge par ces organismes est-elle une responsabilité financière matérielle en moins? Moins de personnel à mobiliser, donc moins de salaires à payer, des lits dans les hôpitaux sont libérés, des employés par le fait même. Des gens parviennent à rester autonomes chez eux. Grâce à ces aidants, combien de centaines de milliers de dollars restent ainsi dans les poches de nos gouvernements? Pendant ce temps-là ces travailleurs humanitaires, qui crèvent de faim pour la plupart, vivent dans l’insécurité de savoir s’ils peuvent encore poursuivre leur mission chaque lendemain? Pourtant épuisés et inquiets, ils persévèrent et se lèvent tous les matins, propulsés par l’espoir que quelqu’un les entende un jour! Qui le fera donc avant qu’il ne soit trop tard?
Cessons de douter, chers concitoyens, et engageons-nous dans ce qui fonctionne. Nous en serons vainqueurs et espérerons par surcroît et avec raison, vivre dans un monde meilleur avec ces différences et ces diversités de services, à une population qui est complexe!
Lorsque le peuple embarque et croit, les décideurs suivent, on appelle ce phénomène, de la politique!
Sylvie Yelle est assistante bénévole à la gestion d'un organisme communautaire à Saint-Jérôme.