La Vie rurale / Opinions / Sauve qui peut

Sauve qui peut

Au Québec, les débats sociaux, les enquêtes publiques, les Commissions, les projets de loi se font habituellement lorsque des situations nous acculent au pied du mur : financement illégal des partis politiques municipaux, accommodements raisonnables, restructuration du réseau routier et maintes autres. Évidemment, je pourrais parler uniquement de ce qui se déroule présentement avec l’affaire du financement illégal et de la construction sauf que ma chronique couvrira un ensemble de procrastination gouvernementale.

Pourquoi remettre tout à demain?

Généralement, on tente de régler les situations potentiellement conflictuelles ou pernicieuses avant qu’elles ne se produisent; je dis bien généralement. Quelques situations sont totalement imprévisibles et nul n’est devin au Québec, et ce, jusqu’à preuve du contraire. L’acteur premier à devoir devancer ou prévenir des situations ambiguës ou dramatiques pour la société est nécessairement le gouvernement. Je ne mets pas uniquement le blâme sur le gouvernement actuel mais bien sur les gouvernements qui se sont succédés au cours des quarante dernières années. Une culture du no-fault s’est imposée au Québec. Tous les partis s’accusent mutuellement en disant que l’autre n’a pas su prendre ses responsabilités mais que leur gouvernement, lui, saura corriger la situation; et pendant ce temps, rien ne se règle. Nos politiciens excellent dans l’art de s’époumoner en Chambre et dans celui de poser des questions durant des heures interminables.

Je disais donc que nos élus avaient une responsabilité sociale envers nous. Un bon exemple est l’effondrement du viaduc de la Concorde à Laval en 2006. Cette tragédie en fut une catastrophique. Convenons qu’il est assez rare qu’un viaduc s’écroule sans qu’il y ait au préalable des indices. Qu’est-il arrivé après cet effondrement? Le gouvernement a réagi en débloquant d’importantes sommes pour la vérification et la réfection de nos ponts et routes du Québec. Le fait est, dans ce cas-ci, qu’il dut y avoir des victimes avant que quelqu’un tire la sonnette d’alarme et s’inquiète de nos infrastructures désuètes. Dans le même ordre d’idée, combien a-t-il fallu d’accrocs avant que nos élus convoquent une Commission sur les accommodements raisonnables? Bien que cette dernière n’ait été qu’un écran de fumée et que la situation (mais surtout la question) est loin d’être réglée, ils tentent encore aujourd’hui de balayer la question en dessous du tapis.

Certes, le gouvernement a des priorités plus importantes que d’autres. Sauf qu’au moment où l’on se parle, Jean Charest et son Cabinet doivent débattre mais surtout tenter de trouver une solution durable à la collusion qui se déroule dans le monde de la construction; l’escouade Marteau n’est qu’une solution temporaire. Il est fort probable qu’il souhaiterait davantage se concentrer sur la dette du Québec plutôt que de faire face à cette crise qui est loin, très loin, de s’estomper. D’autant plus que ces histoires de corruption dans l’univers politique municipal n’aident en rien les politiciens à redorer leur blason. Il ne faut surtout pas s’y méprendre, que ce soit un politicien municipal, provincial ou fédéral, la population ne fera aucune distinction entre ces trois paliers. Lorsqu’elle entend parler d’une rumeur, aussi insignifiante soit-elle, tous les élus se retrouvent dans le même bateau. Un vendeur d’autos chez Toyota ou chez Honda reste un vendeur.

Réaction-action

Une succession d’évènements doit se produire, l’opinion publique doit vigoureusement réagir et les médias doivent prendre l’affaire en main avant que les choses bougent au Québec. Pourquoi doit-il y avoir un pont qui s’écroule, des vitres givrées ou de la corruption avant que le gouvernement réagisse? Probablement parce qu’il est plus facile de se soustraire de ses responsabilités et d’attendre la suite des évènements.

Un fait demeure. Comment se fait-il qu’un gouvernement, peu importe l’allégeance, ne se rende pas compte de ce qui se déroule dans sa propre cour? Car il ne faut pas se leurrer, plusieurs situations mentionnées précédemment ne datent pas d’hier et d’autres seront à venir.

Je ne dis pas ici qu’ils sont au courant de tout excepté qu’ils sont aux faits de beaucoup, beaucoup de dossiers et scandales. C’est comme dire qu’un parent ne se rend pas compte que son enfant ne connaît pas ses tables de multiplication. Dans les deux cas, soit qu’ils ferment les yeux en espérant que ça se règle ou soit qu’ils ne mettent pas leurs priorités à la bonne place.

Il est inquiétant de constater que nos propres élus ne savent même pas ce qui se passe dans leur propre maison. Et c’est la population qui se trouve à en être la victime première de cette procrastination gouvernementale. Ce sont maintenant des sources anonymes qui dénoncent les irrégularités de notre système. Que font alors les autorités? Elles tentent de désamorcer la crise du mieux qu’elles peuvent en espérant un dénouement sans trop de conséquences néfastes. Personne ne peut se dissocier de ses responsabilités, et ce, même en se mettant les meilleures oeillères car tout finit par sortir au grand jour.

En résumé, pourquoi toujours être en aval au lieu de se trouver en amont? Bonne question.

Commentaires