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La consigne au Québec ou comment faire dire n’importe quoi aux chiffres

Opinion du citadin

Des centres de tri du Québec et des entreprises du secteur de la récupération ont demandé publiquement hier l’abolition pure et simple de la consigne sur les contenants à remplissage unique (CRU). Leur argument est que si les contenants de plastique, canettes et bouteilles de bière (c’est pas remplissage unique ça…) présentement consignés étaient récupérés par la collecte sélective, les équipements de récupération seraient plus rentables.

Monsieur Jonhnny Izzi, dg de Gaudreault Environnement, a affirmé au journal Le Devoir «il est faux de croire que si la consigne est abolie, les gens vont récupérer moins de bouteilles et de canettes. Les statistiques fournies par Recyc-Québec le prouvent: le taux de remboursement a chuté depuis 2003 alors que le nombre de contenants consignés mis dans la collecte sélective a augmenté. En 2008, les centres de tri du Québec ont reçu [malgré la consigne en place] 41 millions de contenants consignés que les gens ont confiés plutôt à la collecte sélective.»

On peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres puisque Monsieur Izzi ne parle pas des conséquences possibles de l’abolition de la consigne.

Le maire de Victoriaville, Roger Richard, à la tête d’une ville verte, estime que la collecte sélective comprend moins d’étapes que celles liées aux consignes, donc une source d’économies possibles et moins de vas et viens sur la route. Donc, moins de GES. C’est un argument qu’on entend souvent auprès des lobbyistes qui désirent l’abolition de la consigne. Les collectes sélectives rejoignant désormais 97% de la population, les CRU seraient, à les entendre, davantage récupérés.

L’Union des Municipalité du Québec (UMQ), dans le cadre de la conférence internationale sur la responsabilité élargie des producteurs qui se déroule à Montréal présentement, a rappelé quelques statistiques présentées aux dernières assises annuelles.

- Le taux de récupération des CRU est de 82% grâce aux systèmes combinés de la consigne (72%) et de la collecte sélective.

- Sans consigne, le taux de récupération des CRU subirait une chute importante et passerait de 82% à 61%.

-Sans consigne 437 millions de contenants, soit 13 090 tonnes, seraient expédiés annuellement à l’enfouissement.

- Enlever la consigne c’est transférer le fardeau et des coûts supplémentaires de 7,7 millions par année aux municipalités.

Même problématique à propos de la consigne, pour des conclusions divergentes. Comme quoi, il est possible de faire dire n’importe quoi aux chiffres et que la vérité serait sans doute située entre ces deux visions des choses. Ceci étant dit, l’UMQ affirme qu’elle n’érige pas en dogme la question de la consigne. Une seule chose m’apparaît certaine à propos de la consigne. Son abolition provoquerait une amélioration ou une détérioration du taux de recyclage des CRU. Moi, dans le doute, je m’abstiens. Donc, poursuite de la consigne, voire son élargissement aux bouteilles de la SAQ. Et, à propos des CRU, peut-être faudrait-il à long terme envisager d’universaliser le contenant à remplissages multiples. Un contenant interchangeable d’une entreprise à l’autre. Cela fera plus de vas et viens. Et alors, le camion qu’il soit vide ou plein de bouteilles vides à son retour à l’entreprise, ça change quoi? Quelques litres d’essences de plus. Nos décharges émettent combien de tonnes de méthane par année?

L’abolition de la consigne serait un recul comme le refus de recycler le polystirène au Québec. Ceux qui réclament l’abolition de la consigne ne le font pas pour des considérations environnementales mais financières. Ils estiment qu’ils recevraient plus de contenants à recycler de qualité et feraient donc plus d’argent, faisant fi du fait que les sites d’enfouissement recevraient sans doute plus de CRU. Voilà pourquoi la position du maire de Victoriaville est étonnante si tant est qu’il se préoccupe de développement durable.

Comme on le constate, la question de la consigne au Québec est une grosse question d’interprétation de chiffres, projections et estimations des plus floues. La consigne c’est aussi bien du trouble pour ceux qui gèrent ça. Voilà pourquoi ce serait bien plus simple, administrativement parlant, d’abolir cette tradition plus que centenaire. La consigne, un vrai anachronisme surtout pour les CRU?

Pour moi la consigne c’est plutôt l’avenir et une composante essentielle des 3RV de Recyc-Québec. La consigne, c’est la réutilisation de la matière. Celle qui ne s’en va pas dans un site d’enfouissement.

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