L’herbe à poux à la conquête du Québec
Les régions
Un article paru dans le journal de la communauté universitaire de l’Université Laval, Le Fil des événements, sous la plume de Jean Hamann, fait état de la prolifération d’une plante détestée par plusieurs : l’herbe à poux. L’herbe à poux part à la conquête du Québec depuis longtemps. À l’origine, cette plante avait une aire de répartition limitée aux abords des cours d’eau jusqu’au 20ieme siècle. Puis, la plante s’est étendue dans tout le sud du Québec grâce aux activités humaines comme l’agriculture et l’expansion du réseau routier. C’est la conclusion d’une étude des chercheurs Claude Lavoie, Yvon Jodoin et Albane Goursaud de Merlis, du Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD). Les chercheurs viennent de publier leurs résultats dans la revue Journal of Biogeography. Avec de telles conclusions, pas étonnant que les Québécois aient de plus en plus de problèmes d’allergies liés à cette plante au pollen irritant.
L’étude s’est réalisée grâce à 707 spécimens répertoriés dans 5 herbiers dont l’herbier Louis-Marie de l’Université Laval. Ainsi, les chercheurs purent reconstituer le scénario d’invasion du Québec par l’herbe à poux. Les fleurs mâles libèrent de grandes quantités de pollen de la mi-juillet jusqu’aux premières gelées. Le vent peut transporter l’allergène sur plus de 200km. Ce pollen provoque le tristement célèbre rhume des foins. Attention, l’article du Fil des événements rappelle qu’il ne faut pas confondre l’herbe à poux à l’herbe à puce. Cette dernière provoque des démangeaisons et non le rhume des foins.
Pour en revenir à l’herbe à poux, chaque plan produit entre 3000 et 60 000 graines durant la saison estivale. Ces graines peuvent survivre jusqu’à quarante ans dans le sol avant de germer. Voici donc une plante tenace qui infecte surtout les cultures de carottes, de choux, de maïs, d’oignons, tournesol et soja.
Les travaux sur les herbiers permirent aux chercheurs de faire quelques découvertes intéressantes. Par exemple, le premier signalement connu au Québec remonte à 1822 dans la région de Montréal. «Contrairement à ce qu’on croyait, il est possible que cette plante soit indigène au Québec, souligne Claude Lavoie au Fil des événements. Chose certaine, elle est établie ici depuis au moins deux cents ans.» La plante aurait donc été ici avant notre arrivée. Mais, c’est l’homme qui serait responsable de sa propagation. Dans les années 1920, l’herbe à poux commence à faire son apparition sur les terres agricoles. C’est sans doute à cause de semences qui contenaient aussi les graines de la mauvaise herbe qu’on remarque ce phénomène. Puis, au courant des années 1930, on découvre ces plantes le long des routes et voies ferrées. L’invasion venait de commencer !
Ces trente dernières années, la plante a fait son habitat privilégié dans les champs agricoles, et en second plan dans les milieux urbains et abords de route. L’habitat primitif (les bords de cours d’eau) est devenu un habitat marginal. «Le développement du réseau routier est le principal facteur qui a contribué à sa propagation au Québec», souligne Claude Lavoie au Fil des événements. Les routes ne sont pas uniquement un corridor d'invasion pour ces plantes, mais un habitat à part entière. Pour cette raison, contrôler l’herbe à poux seulement dans les champs agricoles n’empêcherait pas une réinfestation des cultures. «Une stratégie associant les producteurs agricoles et les fonctionnaires responsables des routes est essentielle pour un contrôle efficace de l’herbe à poux», concluent les trois auteurs de l’étude.